3. Le Vioxx, autopsie d’un médicament tueur.
Voici l’histoire d’une molécule inutile et dangereuse, qui
par un tour de passe-passe comme seules les grandes firmes en sont capables, s’est retrouvé utilisé par des
mil ions de personnes comme un médicament miracle, avant de se voir brutalement retiré du marché, cinq ans
après son lancement. Pour un peu l’histoire nous en rappel erait presque une autre ! Pourtant, il ne s’agit pas ici
du Mediator, mais de son « grand frère », le Vioxx. L’exemple parfait des méthodes de manipulation des
grandes compagnies industriel es, appuyé par une campagne exceptionnel e de promotion, usant des
meil eures ficel es du marketing de masse.
Septembre 2002. Sous les ors délicates d’un palais de la République, les pontes du monde médical se sont
retrouvés pour l’un de ces événements mondains comme le lieu en reçoit tous les jours. Une coupe de champagne à
la main, chacun s’affaire dans la foule de messieurs en costumes, de dames en tail eurs. L’un aperçoit une vieil e
connaissance près du plateau des petits fours, l’autre un camarade d’amphithéâtre un peu perdu à l’entrée de la
pièce. On devise, on s’assure de ses vœux de réussite professionnel e. Enfin bien sur, comme souvent dans ces
soirées chics, on se congratule pour tout et pour rien. A-t-on lu un article barbant dans une revue médicale signé de
la main d’une obscure connaissance ? On le félicite pour sa clairvoyance. A-t-on appris le mariage de sa fil e, sa
promotion à la tête d’un service hospitalier, ses bril ants états de service lors d’un congrès, sa nomination comme
conseil er d’un laboratoire ? Mêmes Compliments, mêmes
flatteries, quelques louanges, sourires d’approbations,
pirouettes verbales en tout genre. Chaque nouvel e tête est présentée, introduite, recommandée. C’est qu’il s’agit
de bril er, la sal e est pleine de représentants de l’industrie pharmaceutique : Comme tous les ans, le Medec, congrès
annuel de médecine général remet son prix du médicament. 6282 médecins ont été appelés à voter dans
différentes catégories pour désigner les grands gagnants de cette soirée. Tous les votants ne sont bien sur pas là, mais
les lauréats n’auraient loupés l’événement pour rien au monde. C’est l’heure des félicitations, et tout le monde se
presse vers eux. Sourire poli de circonstance vissé aux lèvres, les responsables des laboratoires concurrents
trouve même la force de leur glisser un petit mot poli…Abritée par le Sénat, la soirée reçoit aussi la visite les
membres du monde politique : un représentant de l’Assemblée nationale, le président de la Commission des
affaires sociales, celui du ministère de la recherche. Le grand gagnant de la soirée ? Un médicament anti
inflammatoire du nom de Vioxx, produit par le grand laboratoire américain Merck Sharp and Dohme (MSD). Le
prix est de tail e même si la coqueluche de la presse médicale est un habitué des récompenses… En 2000, le
Vioxx a déjà reçu l’un de nos trophées les plus prestigieux dans le domaine de la santé, le prix Gal ien. Un prix « de la
recherche pharmaceutique dont la notoriété et le rayonnement en ont fait la plus grande distinction
mondiale en cette matière ». Faut-il que ce médicament soit révolutionnaire pour mériter tant d’honneur !
Roféxocib de son nom savant, le Vioxx est lancé en grande
pompe en 1999 aux Etats Unis. C’est à l’époque le dernier
nés des anti-inflammatoires non stéroïdiens, de type
« coxib », ou « cox-2 », porté aux nues par l’ensemble de la presse médicale. Présenté comme une révolution, le Vioxx
a l’avantage de ne présenter aucun effet secondaire sur le système digestif, contrairement aux anti-inflammatoires
traditionnels. Un changement de tail e pour les patients souffrant d’arthrose !
Le laboratoire MSD ne recule d’ail eurs devant rien pour
vanter son nouveau produit miracle : 100 mil ions de dol ars de publicité sont prévus chaque année dans le
monde pour s’imposer sur le marché des médicaments anti douleur. Il s’agit de partir vite, et fort pour contrer un
produit que vient de lancer Pfizer, le Celebrex. Afin de conquérir les Etats-Unis, MSD ne se refuse rien, et durant
un temps on voit même apparaître sur les écrans américains une publicité mettant en scène l’ancienne
championne olympique de patinage artistique Dorothy Hamil pour vanter ses vertus.
Le marché est mondial, et très concurrentiel. Pour ne pas
perdre de temps, le Vioxx est ainsi lancé en France dès avril 2000, sans même attendre que la sécurité sociale
rembourse le produit… La aussi le plan communication est gigantesque, digne du lancement du dernier ordinateur de
chez Apple… D’un ton plein d’empathie, le responsable de la division Rhumatologie de MSD explique aux échos les
raisons de cette vitesse« Les discussions pour obtenir le remboursement d'un médicament sont longues en France.
Comme nous recevons beaucoup de demandes de
1 Merck lance le Vioxx en France, avant qu'il ne soit remboursable, Nathalie Halpern, les échos, 7 avril 2000
médecins et de patients, nous avons donc décidé de
vendre le Vioxx rapidement, sans attendre l'autorisation de remboursement». Pour un peu, ils nous demanderaient de
Avant de dévoiler son produit en grande pompe, le laboratoire prend la peine de louer le palais des Congrès de
Paris, et d’y convier la crème des rhumatologues francais afin de leur « vendre » le Vioxx. L’important pour MSD est
de débarquer en Europe avant le Celebrex. Le remboursement « prend du temps, et nous n'avons pas
voulu priver les patients d'un médicament aussi utile» expliquent les responsables du laboratoire cité le même
mois par Libératio Comme dans le reste de la presse, l’article vante alors les vertus d’une gamme de
médicaments « miracle », et note que « les laboratoires vont tenter de les faire accepter peu à peu pour leurs
effets plus généralement antalgiques, puisque les anti-inflammatoires calment aussi les douleurs. »
Mais le Celebrex a repris son avance, et même s’il ne
débarque qu’en novembre 2000 en France, son cout est déjà remboursé à 65% par la sécurité sociale. Pour contre
attaquer, MSD Fait donc chuter ses prix à destinations des hôpitaux, afin de forcer la main des médecins hospitaliers,
et d’habituer les patients de passage dans ses structures visés à ce nouveau produit. La tactique est bientôt imitée
par Celebrex. Une véritable stratégie de dealer à la sortie des classes…qui possède néanmoins une contrepartie. Pour
que les laboratoires fassent leurs marges, les prix restent
2 Un anti-inflammatoire miracle débarque d'Amérique. Par Eric Favereau, Libération, 20 avril 2000.
très élevés dans les pharmacies. La technique est rodée :
un patient rentre à l’hôpital, on lui prescrit entres autres médicaments lors de son séjour un anti inflammatoire
miracle qui le fait se sentir beaucoup mieux. Il sort de l’hôpital, et se rend aussitôt chez son pharmacien, pour
avoir un stock de ce produit si efficace. Et qu’importe le prix : Le Vioxx est admis au remboursement par la sécurité
sociale française en juil et 2001. La consommation s’étend, le médicament prend des parts de marché, et coute des
Pourtant, dès cette même année 2000, une étude financée
par MSD souligne les risques cardiovasculaires liés à l’utilisation du Vioxx. Réalisée au sein du département de
rhumatologie de la faculté de médecine de Toronto, la «Vioxx Gastrointestinal Outcomes Research », ou VIGOR,
minimise néanmoins l’importance de ces risques au vu des bienfaits apportés par le médicament.
En 2001, l’agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé (Affsaps) découvre qu’une étude américaine compilant les résultats de VIGOR et d’autres
recherches « suggère une augmentation du risque d’événements cardio-vasculaires chez des patients traités
par VIOXX® ou CELEBREX®. » Pour autant, pas de quoi s’inquiéter pour nos spécialistes français : les études en
questions « n’avaient pas pour objectif l’étude de la tolérance cardio-vasculaire. Seule une étude spécifique
permettrait d’évaluer le risque cardio-vasculaire éventuel des inhibiteurs de la COX-2. » Pas question de froisser les
laboratoires… Mais de fait, l’étude VIGOR était
effectivement imparfaite : le Vioxx était encore plus
dangereux qu’el e ne le laissait entendre. Ces recherches seront ainsi l’objet d’une controverse quelques années plus
tard, lorsque le new england journal of medecine accusera ses auteurs d’avoir sciemment omis des données afin de
minimiser les risques.Les chercheurs auraient ainsi écartés trois infarctus du myocarde des conclusions de
l’étude… Savamment tenu éloignés de ces données, les
consommateurs plébiscitent le produit. En France comme dans le monde entier, sa consommation augmente, servi
par une communication impeccable. Et le médicament sort vite de premier domaine de prescription, malgré les
conseils de nombreux médecins. Dès septembre, la même année, les premiers doutes apparaissent en France sur
cette nouvel e catégorie de médicaments. C’est une tribune publiée par Gil es Bardelay, rédacteur en chef de la
revue prescrire qui donne l’alertà l’occasion du retrait d’un autre genre de produits.
Avec le recul, les mots choisis semblent avoir eu quelque
chose de prophétique. Citons les donc in extenso : « Quel e sera la prochaine affaire ? Va-t-el e concerner un anti-inflammatoire non stéroïdien ? Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont de plus en plus souvent prescrits, dispensés et consommés, essentiel ement comme antidouleur. Les campagnes de promotion des
3 Expression of Concern: Bombardier et al., “Comparison of Upper Gastrointestinal Toxicity of Rofecoxib and Naproxen in Patients with Rheumatoid Arthritis,” the New england journal of medicine, 29 décembre 2005.
4 « Pharmacovigilance : d'une affaire à l'autre », par Gilles BArdelay, le monde, 11 septembre 2001
« nouveaux » (les COX-2, NDLA) AINS concentrent l'attention sur une hypothétique meil eure tolérance digestive. Mais qui parle actuel ement des effets indésirables extradigestifs des AINS, auxquels n'échappent pas les substances les plus récentes ? Ces effets indésirables sont pourtant enregistrés aussi bien en cardiologie (insuffisances cardiaques et hypertensions artériel es iatrogènes) qu'en néphrologie (insuffisances rénales), en urologie (cystites, en particulier avec l'acide tiaprofénique), en dermatologie (réactions cutanées parfois graves au kétoprofène en gel ou crème), en gynécologie-obstétrique (infertilités, atteintes du nouveau-né à la suite d'une utilisation malgré la contre-indication au troisième trimestre de la grossesse), etc . Sans parler de l'interaction avec les anticoagulants oraux.Pour limiter les risques pris par les patients, les médecins et les pharmaciens mal documentés ne doivent pas attendre la prochaine affaire de pharmacovigilance : il leur faut réagir et se documenter correctement. Une formation régulière à partir d'outils fiables, et donc forcément indépendants financièrement des firmes pharmaceutiques, est la condition indispensable pour que les médicaments soient utilisés au mieux : quand il faut et seulement quand il faut ; à la dose nécessaire et suffisante ; en pesant bien les risques possibles et les effets bénéfiques espérés. » Si
seulement ce genre d’avertissements avaient été écoutés !
Les effets secondaires sont ainsi connus dès 2001 pour ceux qui se donnent la peine de se renseigner sans
accepter comme vérité absolue les boniments des marchands de tapis envoyés par les firmes
pharmaceutiques. Pourtant, ceux-ci occupent le terrain, et
réussissent petit à petit à étendre l’utilisation du Vioxx.
Dans son bulletin de décembre 2002, le centre de recherche, d’étude et de documentation en économie de la
Santé note ainsi dans un article sur les anti-COX2 – catégorie de médicaments à laquel e appartient le Vioxx -
qu’un « certain nombre de prescriptions semblent être hors indication : 10 % des prescriptions sont en effet
réalisées pour des pathologies non rhumatologiques, 4 % pour des tendinites et 3 % pour des traumatismes. En
outre, on peut se poser la question du bien fondé de la totalité des 12 % de prescriptions pour lombalgies et
En clair, poussé par le marketing intensif des « visiteurs médicaux », ces commerciaux des groupes industriels de
pharmacie, les médecins ont très largement adoptés les nouveaux produits, sans trop se poser de question. La
France est d’ail eurs la championne du monde de ces démarcheurs peu scrupuleux, chargés de faire le tour des
cabinets de France et de Navarre pour vendre leurs produits. Selon un article de Libération daté de janvier
2011, notre pays compterait ainsi un visiteur médical pour neuf médecins Les laboratoires ont su habilement
quadril er le paysage, en envoyant leurs employés à la rencontre quotidienne des praticiens de l’hexagone,
distribuant encore souvent avantages et usant de toute leur influence pour faire adopter leurs produits.
Ainsi, comme le souligne un rapport de l’IGAS datant de
2007 « La visite médicale s’inscrit dans une stratégie
5 Les visiteurs médicaux, une profession dans le collimateur, Libération, 27 janvier 2011.
promotionnel e très large qui englobe la presse médicale,
les divers dispositifs de formation médicale et les leaders d’opinion. Cette stratégie débute dès la formation à
l’université. El e peut prendre des formes plus “subtiles”, comme l’insertion des médecins dans des études dont
l’intérêt scientifique est limité, soit avant la sortie du médicament (une étude ou un réseau de médecins
permettant de mesurer mieux tel symptôme préparent la sortie du médicament qui traite le symptôme), soit suivant
cette sortie (une partie des études de phase IV). La publicité ou les messages « santé » passés dans les médias
grand public viennent compléter ce dispositif et impactent les médecins directement et indirectement via les
patients. » On croirait presque entendre la description méticuleuse de la mise en place du Vioxx !
Mais malgré un plan de communication massif, et le succès
du médicament qui a fait engranger des mil iards de dol ars en quelques années au groupe MSD, le Vioxx est retiré du
marché du jour au lendemain en octobre 2004. Une nouvel e étude vient de prouver l’augmentation du risque
d’accident vasculaire cérébral et de crise cardiaque à partir de 18 mois de traitement… Coup de tonnerre dans
Pourtant, chez les médecins habitués à la lecture de la presse spécialisée, le caractère dangereux du Vioxx
n’étonne pas. Mais alors que son médicament phare vient de démontrer ses aspects meurtriers, Raymond Gilmartin,
PDG du groupe MSD, se paye le luxe de faire passer sa décision pour de l’altruisme : « Il aurait été peut-être
possible, en accord avec nos autorités de santé, de
poursuivre la commercialisation de VIOXX en modifiant le
Résumé des Caractéristiques du Produit et en incluant ces nouvel es données. Mais compte tenu des alternatives
thérapeutiques disponibles, et des questions que soulèvent ces nouvel es données, nous avons décidé qu’un retrait
volontaire était l’attitude responsable à tenir ». L’industriel minimise les risques au maximum, en expliquant à la
presse que l’étude a constaté « cinq décès sous Vioxx, cinq aussi avec le placebo ». Cinq décès… vraiment ? L’année
suivante, la food and drug administration américaine (FDA), qui contrôle notamment les mises sur le marché de
médicaments estimera le nombre de cas de crise cardiaques chez les utilisateurs du Vioxx durant ses cinq
ans de commercialisation à une fourchette comprise entre 88 000 et 139 000. Toutes liées au médicament. Un sacré
Le premier jugement sera lourd pour MSD. Les Etats-Unis sont peut être le paradis des entreprises, mais en échange
de cette liberté, les tribunaux se montrent rarement cléments envers ceux qui mettent en danger la vie des
consommateurs. Poursuivi par la veuve d’un ancien utilisateur du Vioxx, mort à 59 ans, MSD est condamné par
le tribunal d’Angleton (Texas) à payer 253 mil ions de dol ars, dont 229 mil ions de dommages et intérêts. Un
record judiciaire qui annonce alors une longue suite de procès pour la firme, dont de nombreux intentés selon le
système américains d’action col ective. En 2006, 200 français anciens consommateurs du Vioxx ont d’ail eurs
déposé un dossier auprès d’un cabinet américain pour défendre leurs intérêts contre MSD.
En 2007, le laboratoire annoncera finalement le versement
de 4,85 mil iards de dol ars aux plaignants, pour mettre fin à l’ensemble des poursuites. Seul quelques anciens
consommateurs refusent l’arrangement proposé et décident de poursuivre les actions en justice.
Aux Etats Unis les victimes des arrangements de MSD avec
la vérité ont donc obtenus réparations, l’affaire lançant même un vaste débat de société sur les liens des membres
de la Food and Drug administration avec les laboratoires pharmaceutiques. Mais en France, personne ne semble
avoir saisi l’occasion pour demander une réforme des relations entre médecins, industrie pharmaceutique et
système de santé, relations qui tiennent toujours plus du panier de crabes que de la conscience professionnel e.
Le Vioxx qui a fait plus de 40 000 morts aux Etats Unis
aurait il alors été mieux supporté par les cœurs français ? Hypothèse flatteuse qui ajouterait encore à la fascination
des américains pour le fameux « french paradox », mais rigoureusement impossible. La triste vérité est que certains
des patients français qui ont eu recours au Vioxx en sont morts comme les autres, mais que la question a été passée
sous silence dans le pays. Pourquoi une tel e discrétion ? Il suffit de voir la suite des événements pour comprendre…
Sur les centaines de médicaments que consomment les français chaque année, combien sont-ils à être réel ement
efficace, ou tout du moins à présenter une efficacité suffisante pour justifier leurs effets secondaires ?
Le pire dans cette histoire tragique en est peut être
l’épilogue. En mars 2010, un nouveau médicament a fait
son apparition dans les étals de nos pharmacies. Son nom ?
Arcoxia. Son type : anti-inflammatoire non stéroïdien, coxib. Son domaine d’application ? Le traitement de
l'arthrose. Son fabriquant ? Merck Sharp and Dohme. Non, vous ne rêvez pas ! Le laboratoire américain a réussi à
fourguer à la France une molécule proche de cel e du Vioxx malgré les 40 000 morts de la précédente. Alors même que
l’Arcoxia a été refusé aux Etats Uni l’Affsaps l’autorise en France en juil et 2008. Les arguments utilisés à cette
occasion laissent pantois : « En avril 2002, le laboratoire MSD dépose une demande d’AMM pour Arcoxia dans le cadre d’une procédure européenne. A la suite d’objections majeures formulées par l’Afssaps sur le profil cardio-vasculaire du médicament, le laboratoire retire sa demande auprès de la France. Toutefois, la majorité des pays européens concernés accordent une AMM à Arcoxia, dans le traitement symptomatique de l’arthrose (60 mg/jour), de la polyarthrite rhumatoïde (90mg/jour) et de la crise de goutte (120mg/jour). »
Je crois n’avoir jamais vu une plus bel e application du
principe des moutons de Panurge. En novembre 2008, la haute autorité de Santé refuse d’admettre ce nouveau
médicament au remboursement, pour faire bonne mesure… Puis change d’avis l’année suivante sous la
pression du laboratoire. Scandaleux ? Il semble que l’Arcoxia soit un coxib un peu différent du Vioxx. Laissons-
lui le bénéfice du doute, il serait stupide de rejeter toute une gamme de médicaments en bloc. Pour autant, avant
de lancer une molécule aussi proche d’un produit qui a tant
6 "L'antidouleur Arcoxia n'aurait jamais dû être autorisé et remboursé", le Monde, 10/01/11, parAlexandre Piquard
fait de mal, le minimum serait de lancer une vaste étude
afin d’établir son efficacité et ses dangers éventuels. Quant au Celebrex, il est toujours vendu aux Etats-Unis, malgré
les doutes de la FDA… Mais le laboratoire Pfizer a déjà mis de côté plusieurs mil iards de dol ars… au cas où.
La France a toujours été le théâtre de liens douteux entre
l’industrie pharmaceutique, le monde politique, la médecine et l’administration. Pas étonnant donc que de
tels scandales aient pu passer presque inaperçus jusqu’à très récemment. Mais n’est il pas temps de vraiment
remettre à plat le système ? Ne devons nous pas refuser clairement que la croissance de l’industrie pharmaceutique
soit financée par des pilules « miracles » sortis comme par hasard du chapeau à chaque fois qu’une molécule ayant
fait la fortune du laboratoire tombe dans le domaine public ? Certes, il ne faut pas négliger l’aspect économique
et stratégique pour le pays de nos fleurons pharmaceutiques. Mais pour autant, entre la vie et les
profits, il n’y a pas à hésiter une seconde.
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